La pluie, le beau temps et mes articulations

Un jour, sur un blog, j’ai lu un soignant qui se moquait gentiment des personnes âgées lui rapportant des douleurs dans les articulations les jours de pluie. Il avait l’air de dire que c’était un peu comme expliquer que la musique du voisin déclenchait des problèmes intestinaux, ou que les caprices alimentaires du cochon d’inde provoquaient des ongles incarnés. Pour lui, c’était plus lié à une baisse de moral et une envie de se plaindre auprès de son gentil médecin qu’un réel souci.

Le truc c’est que, toute personne pas-trop-âgée que je sois, à chaque fois qu’il pleut je le sais sans même ouvrir les volets.

Je suis encore dans mon lit et je sens que ça fait plus mal que d’habitude, surtout dans les doigts. Tu vois toutes les articulations que tu as dans les doigts ? Si tu prends le temps de les compter, tu te rendras compte qu’il y en a un sacré paquet, parce qu’une main c’est tout de même très bien articulé. Et bien, les jours de pluie, c’est carrément l’apocalypse dans chacune de ces articulations : j’ai à la fois l’impression qu’on les pique, qu’on les brûle, qu’on les arrache, qu’on les enserre et qu’on m’a retiré toute la force du muscle qui y est attaché. En plus, elles ont bien envie de s’amuser et partent dans tous les sens, se démettent à tour de bras. Qui eux ne tiennent pas non plus.
Si ça n’était que les mains, ça irait encore, mais comme mon syndrome est un petit plaisantin, c’est pareil pour tout le corps : les épaules, les coudes, les chevilles, les genoux, les hanches, le gros orteil… Si si, je te promets, le gros orteil, et c’est une vraie plaie à remettre en place ce truc. Qui a inventé le gros orteil, que je lui parle un peu ?

Les muscles s’y mettent aussi, et j’ai toujours l’impression qu’ils absorbent l’humidité de l’air et s’en imbibent, pompent l’eau environnante pour la stocker bien en sécurité. Sauf qu’un muscle, ça n’est pas fait pour ça, et j’ai l’impression d’être le tampon hygiénique super absorbant dernier cri dont on vente les mérites à la télé le premier jour des règles. La classe, je te dis.
Ressentir tout ça, ça me fatigue énormément, et malgré mon oxygène et les doses colossales de vitamine données par mon gentil médecin, je me traîne du lit au canapé, puis du canapé au lit, toujours en grommelant dans la barbe que je n’ai pas. Les médicaments que je prends en cas de douleurs fortes n’aident pas non plus, alors tu peux facilement imaginer mon taux de neurones réveillés. (indice, il est proche de zéro)

Voilà, tu imagines un peu dans quelle galère je suis les jours de pluie. Et bien sûr, parce que je suis dans le brouillard toute la journée et que j’ai bien mal, je suis d’une humeur massacrante.
Le grand paradoxe de cet état, c’est que j’en suis consciente. Je sais que j’ai mal, je sais que je suis fatiguée, je sais que je m’énerve pour rien, que je fais la tête à tout le monde et que je plombe l’ambiance, mais comme je suis d’une humeur massacrante, je refuse de reconnaître que j’ai tord. Et je m’énerve encore plus. Contre de pauvres gens qui n’ont rien fait.
Déjà qu’en temps normal, j’ai un caractère assez marqué, je me vexe facilement et je suis rancunière, quand je suis en crise il ne faut pas m’approcher à moins de quelques kilomètres, toujours en silence et en regardant par terre. J’exagère à peine.

Donc, la prochaine fois que tu vois un petit grand-père ou une petite grand-mère se plaindre de la pluie parce que ça fait mal partout, tu compatis, parce que je te promets que c’est vrai. D’accord ?

(Et c’est aussi là que je me rends compte que faire mon lycée tout au bout de la Bretagne, avec du recul, c’était peut-être pas la meilleure idée du monde.)

Être malade

Il y a un certain temps, en octobre dernier (oui, c’est un certain temps un peu long, c’est sûr), je vous avais posé une question. Vous avez été cinq à m’envoyer un mail m’exposant votre point de vue, et je vous en remercie ! Alors je vais essayer d’écrire un article à partir de vos idées, vos suggestions, en vous donnant aussi un peu mon avis.
Un très très grand merci à Nathan, Doume, Alison, Crevette de Mars et Annie-Danielle.

Tout d’abord, la maladie c’est le truc qu’on a enfant. Tu sais, la gastro qui nous fait rater deux jours d’école, boire du coca et manger du riz sous toutes les formes possibles. C’est la bassine au pied du lit, la température prise régulièrement, les journées enfants-malades pour les parents et toi dans un petit cocon, autorisé à faire plus d’ordinateur que d’habitude.
Être malade comme ça aujourd’hui, alors qu’on est grand c’est tout un tas de souvenir qui resurgissent : un bouillon de légumes, un doudou préféré des mauvais jours, un dessin animé devant lequel on oubliait son ventre douloureux…

Puis, parfois, la maladie prend un autre sens.
Ça devient quelque chose de plus présent, qui va te gêner sur une période de temps plus longue, quelque chose qui va te faire réfléchir à ton futur, avoir des répercussions qui dépassent quelques jours à la maison et une réunion reportée. Une maladie, c’est un nuage opaque devant ton futur. C’est plein de questions : qu’est-ce que c’est ? Pourquoi ça m’arrive ? Et ma famille ? Et demain ? Comment tout ça va se passer ? C’est de l’inquiétude, c’est ton entourage qui en prend un coup, c’est beaucoup de sentiments tout gris.

Être malade, c’est être différent des autres. C’est ne pas être capable de respirer, de marcher, de bouger ou de manger comme la plupart des gens. C’est devoir faire des compromis, des sacrifices. C’est devoir choisir entre une sortie ou une autre, ne pas pouvoir faire tout ce que l’on veut. C’est aussi se reposer, limiter les activités physiques.

Être malade, c’est aussi des sensations désagréables : du nez bouché aux articulations luxées, du mal de ventre léger à celui qui te cloue au lit, toutes sortes de nuances de douleur existent. Et la douleur, ça veut dire que quelque chose ne va pas. Mais est-ce qu’on peut être malade sans avoir mal ?
Parce qu’une maladie silencieuse, c’est peut-être encore plus effrayant qu’une maladie qui se fait entendre et sentir.

Une maladie, c’est quelque chose qui se soigne. Mais pas tout le temps. C’est une chose pour laquelle on va mettre en place des traitements, des opérations, des médicaments et tout un tas de trucs pour essayer de la faire partir, comme si c’était un insecte énervant lorsque tu manges du melon dehors, l’été. Et ça peut fonctionner, ou pas du tout. Parfois tu ne peux pas soigner ce qui provoque tous ces désagréments, mais tu peux essayer d’améliorer les différents symptômes.

C’est un état, une situation dans laquelle on se trouve qui n’est pas si normale que ça.
Mais après tout, qu’est-ce que c’est qu’une situation normale ?

Une belle journée

Aujourd’hui, j’ai passé ma meilleure journée depuis plus d’un mois.

Pourtant, ça avait mal commencé : après une nuit entrecoupée de rêves et de cauchemars, je me suis réveillée très tôt. De peur d’avoir du mal à marcher et que les douleurs se réveillent, j’ai traîné longtemps dans mon lit en regardant le jour se lever. J’ai entendu les premiers ouvriers arriver, la grue se mettre en marche. J’ai regardé quelques trucs sur l’internet, répondu à des mail et lu un peu.
J’ai vu que Justine m’avait mentionnée dans une vidéo, et malgré moi j’ai souri une heure durant.

Puis je me suis levée. Mes chevilles tenaient. Mes genoux tenaient. Mes hanches tenaient. J’ai souri encore plus fort et j’ai commencé à tout ranger doucement, craignant que la douleur n’arrive.
Rien à signaler, à part un hématome assez gigantesque près de mon genou. Mais il ne fait presque pas mal quand j’appuie dessus, alors j’ai trouvé ça rigolo, comme un tatouage temporaire.

Pour fêter ces quelques heures sans douleurs, j’ai décidé d’ouvrir une boite de pâté de foie gras de la campagne cuisinée par ma famille et de me faire des pommes de terre sautées. J’ai épluché et coupé les patates sans trop me subluxer les doigts et sans même avoir mal. Oui, peut-être que j’avais une petite douleur au pouce, que je devais régulièrement le remettre en place, mais par rapport à ces deux derniers mois, ça n’était rien du tout.
Et j’ai savouré cette matinée et mon repas.

L’après-midi, il a fallu partir pour donner mon cours (tu te souviens, j’ai une élève). J’avais été absente deux fois de suite à cause de ma santé, j’avais un peu peur de ses potentielles questions ou de son inquiétude. Mais elle a été adorable et m’a laissé dire ce que je voulais, n’a pas insisté. Nous avons travaillé sur des mathématiques et au lieu de deux heures nous n’avons eu besoin que de quarante minutes : elle a bien compris mes explication, a refait des exercices toute seule et était complètement à l’aise, plus du tout timide comme au tout début.
C’est la première fois que je l’ai vraiment sentie naturelle, un peu ado et têtue, persuadée d’avoir raison. Au départ cela m’a tendue, j’avais peur de perdre le contrôle, mais j’ai vite compris que cela ne servait à rien de me crisper et que si j’étais spontanée, nous pouvions parfaitement travailler ensemble et réussir. Et ça a fonctionné, je crois que c’est le meilleur cours que nous ayons jamais eu.

Puis je suis allée marcher un peu dans la rue commerçante à côté, il faisait beau et encore jour, il n’était même pas six heures. J’ai vu un monsieur assis sur un carton, de grands yeux qui observaient les passants, et au lieu de l’ignorer en regardant mon téléphone comme je fais d’habitude car je culpabilise, je lui ai dit avec un grand sourire « Bonjour monsieur ! » Et lui de me répondre avec un visage heureux, en soulevant son béret.
Mon cœur s’est réchauffé et j’ai souri longtemps.

Mon frigo étant un peu vide, je suis allée faire mes courses. J’ai dévalisé le rayon bio, en emportant quelques litres de jus de carottes, des pâtes et de quoi faire des smoothies. Le jus de carotte, les pâtes à toutes les sauces et les smoothies aux fruits, légumes et lait de soja étant ma nourriture de base.
Dans le magasin, j’ai croisé des gens, échangé quelques mots avec des inconnus et encore souri. Encore.

Je suis rentrée, un tout petit peu fatiguée et j’ai fait du Skype avec une jeune fille très chouette (toi, si tu passes par là, ♥) pour la toute première fois.
Quatre heures et demie plus tard, nous raccrochions car je manquai de m’endormir.

Alors oui, il est tard, j’écris ces derniers mots dans un demi sommeil.
Mes mains et mes jambes me font mal, je sens que demain ne sera pas drôle.
Mais, et pardonnez-moi d’utiliser cette expression, cependant je pense que c’est la seule qui est adaptée : j’ai passé une putain de bonne journée.

Hé ouais.

Le 28 février, ou la journée internationale des maladies rares

Le 28 février, c’est la Journée Internationale des Maladies Rares. Coincée entre la Journée Mondiale d’action contre l’ordonnance sur les brevets en Inde le 26 février, et la Journée Mondiale du compliment le 29 février, les maladies rares ont leurs 24 heures de gloire comme pas mal d’autres causes. Mais, après tout, ce ne sont que 24 heures : est-ce qu’on peut changer le monde en aussi peu de temps ? Et est-ce que ça sert vraiment ?

Certes, consacrer une journée comme ça, aux maladies rares, c’est un peu étrange : comme si on devait se préoccuper de cela une seule fois dans l’année. C’est un peu comme penser que la journée de la gentillesse t’autoriserait à être infect le reste du temps : tu as donné durant quelques heures, alors une fois que cet événement est terminé, tu peux reprendre ta vie de débauche et de calomnies. Bon, j’exagère peut-être un petit peu.
Mais là, pour les maladies rares, est-ce que ça ne mettrait pas tous ces gens (3 millions de personnes concernées en France) à part ? On s’occupe d’eux un jour sur 365, alors qu’ils ne viennent pas se plaindre qu’on les abandonne comme des vieilles chaussettes le reste de l’année ? Est-ce que ce serait un prétexte de la part des gens « normaux » pour avoir bonne conscience ?

Dans un monde idéal, il n’y aurait pas besoin de cette journée internationale, car la recherche avancerait, les gens seraient au courant, tout le monde serait tolérant et compréhensif, la maladie ne serait pas un sujet tabou et il y aurait du soleil tous les jours. Mais bon, comme tu as dû le comprendre, on est pas tellement dans ce schéma là.

Alors déjà, qu’est-ce que c’est qu’une maladie rare ?

Une maladie rare, c’est une maladie qui touche moins d’une personne sur 2000. Souvent, il n’y a pas de traitement, on parle alors de maladie orpheline. Les patients se retrouvent parfois promenés de consultation en consultation des années avant d’avoir un diagnostic : peu de gens sont concernés, alors rares sont les médecins qui connaissent ces maladies.

Mais peut-être que, même de nom, tu en connais : la mucoviscidose, les myopathies, la maladie de Verneuil, le syndrome de Marfan, le syndrome d’Ehlers Danlos, la citrullinémie, la maladie de Crohn, la dermatomyosite, les rétinites pigmentaires…
(Si toi aussi tu es l’heureux propriétaire d’une maladie rare, dis-moi en commentaire et je l’ajouterai à la liste ! Et si tu tiens un blog ou tu fais des vidéos là-dessus, je placerai discrètement le lien à la suite)

En attendant que le monde soit tout rose et que la paix dans le monde existe, je pense vraiment qu’une journée comme celle-ci peut être un support à ne pas négliger, un moyen de faire un peu parler de nous de manière positive. Tous ensemble, on peut mettre en valeur nos atouts, montrer qu’on est aussi des gens chouettes, sensibiliser à la différence. Et aussi, permettre aux maladies rares d’être davantage connues et reconnues, aider des personnes à obtenir un diagnostic et des soins, rencontrer des gens qui se pensaient les seuls à vivre cette vie un peu différente.

Alors, exceptionnellement et à l’occasion de cette journée un peu spéciale, vous pourrez retrouver sur ma chaîne une vidéo faite en collaboration avec deux personnes bien chouettes, qui parlera un peu de toutes ces choses que l’on peut vivre, en tant que petit humain atteint d’une maladie rare, ou personne extérieure face à des gens différents.
J’espère vous retrouver nombreux sur Youtube, le samedi 28 février 2015, à 9 heures.

 (Et en 2019, c’est même l’année européenne des maladies rares !)